Vivre avec Alzheimer - Comprendre la maladie au quotidien

Vivre avec Alzheimer - Comprendre la maladie au quotidien

von: Valentine Charlot

Mardaga, 2013

ISBN: 9782804701741

Sprache: Französisch

245 Seiten, Download: 2060 KB

 
Format:  EPUB, auch als Online-Lesen

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Vivre avec Alzheimer - Comprendre la maladie au quotidien



1
ÊTRE VIEUX


AUJOURD’HUI

 

Pour comprendre la maladie dite d’Alzheimer et l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes, il faut prendre en compte le contexte général dans lequel nous évoluons aujourd’hui. Quel regard notre société actuelle porte-t-elle sur les vieux et en particulier sur les plus vulnérables d’entre eux ? Quel est l’impact de ce regard sur les choix en termes d’offres de lieux de vie, de soins, de services ?

Le regard sociétal sur la maladie dite d’Alzheimer s’ancre avant tout dans la vision globale de l’avancée en âge et des préjugés sur les personnes âgées.

Nos sociétés occidentales sont riches d’un cadeau inestimable : le triplement de l’espérance de vie en près de 250 ans. En effet, si l’espérance de vie moyenne n’atteignait pas la trentaine d’années à la fin du XVIIIe siècle en France, elle dépasse maintenant aisément les 80 ans pour les femmes et les 77 ans pour les hommes. Et elle continue encore à augmenter !

De plus, le gain en nombre d’années s’accompagne également d’une meilleure qualité de vie des personnes âgées de 60 à 80 ans. Les avancées médicales repoussent de plus en plus l’âge d’apparition des incapacités sévères, comme par exemple un handicap majeur ou une dépendance importante, souvent suivis d’une entrée en institution. Néanmoins, des maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension artérielle ou l’arthrose peuvent diminuer cette qualité de vie.

Vous avez dit vieux ?


On vit de plus en plus vieux, on devient vieux en meilleure santé, on bénéficie d’un système de santé performant, mais pour autant, fait-il bon vieillir ? Est-il bien vu d’être vieux chez nous aujourd’hui ?

« Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux. Même riches ils sont pauvres, ils n’ont plus d’illusions et n’ont qu’un cœur pour deux » chantait Jacques Brel en 1963. Si cette vision correspondait effectivement en partie à la réalité de l’époque, bien des choses ont changé depuis cette époque pas si lointaine !

Vieux, vieillards, seniors, personnes âgées, anciens, vétérans, aînés… : tant de termes trompeurs et parfois faussement pudiques. La vieillesse est souvent pensée en termes de pertes de capacités, qu’elles soient physiques, psychiques, mnésiques, sociales, esthétiques… sans que les gains qui y sont corrélés ne soient même perçus.

Les stéréotypes négatifs concernant la vieillesse sont très nombreux. Autrefois symbole de sagesse, de maturité et de transmission envers les générations plus jeunes, la vieillesse est actuellement davantage synonyme d’inutilité, d’exclusion sociale et de dégénérescence. Selon les images colportées par le plus grand nombre, les personnes âgées seraient trop nombreuses, représenteraient une charge sociale, seraient acariâtres, rigides et « vieux jeu », tout en étant malades, dépressives, et finalement placées en maison de repos, terminus inévitable. Que d’ignorance dans ces idées reçues !

L’ensemble de ces croyances est repris sous le terme « âgisme », qui a fait son apparition dans le dictionnaire Larousse en 1989 sous la définition « attitude de discrimination ou de ségrégation à l’égard des gens âgés ». Sorte de racisme anti-vieux, l’âgisme est fait de stéréotypes et de mépris. Il minimise les différences individuelles, considère toutes les personnes âgées de façon identique et attribue de manière généralisée à l’ensemble de ces personnes les caractéristiques négatives d’un sous-groupe de celles-ci. Sous l’angle de l’âgisme, tous les vieux sont identiques, partagent les mêmes idées, votent pour les mêmes partis, ont les mêmes besoins de lieux de vie, choisissent les mêmes loisirs. De plus, ces stéréotypes résistent particulièrement bien aux contradictions. Une personne âgée en bonne santé mentale et physique, mobile et ouverte sur le monde est considérée comme… jeune ! Elle est vue comme une exception, peu représentative de l’ensemble du groupe… et qui ne pourrait durer !

Le corollaire de cette notion d’âgisme est le jeunisme, qui nous enjoint de rester jeunes : un bon vieux est donc celui qui reste jeune, qui se comporte comme les jeunes, qui les comprend, qui est « à la page ». Le jeunisme trouve son origine dans la peur de vieillir, de devenir malade et dépendant, dans la peur de la mort également. Il a notamment pour conséquence une surreprésentation des jeunes dans les médias. La « jeunesse » réelle ou apparente est devenue l’argument suprême de la publicité. Elle est associée à la spontanéité, à la quête du plaisir immédiat, au détriment de valeurs traditionnellement liées aux âges mûrs comme la réflexion, la prudence, la sagesse, et la capacité de se projeter dans le futur, toutes qualités qui se voient dotées, au contraire, de connotations négatives. Dans ce contexte, bien vieillir se traduit par « ne pas vieillir », rester jeune à tout prix, voire à n’importe quel prix.

Le discours de la société dans son ensemble devient alors culpabilisant. Si certains « vieux » réussissent à cultiver l’illusion de rester jeune, via la chirurgie esthétique, les programmes d’entraînement cérébraux, l’activité sous toutes ses formes, d’autres par contre sont « recalés » par la maladie, les difficultés financières, la solitude, etc. Perdre la bataille contre la vieillesse fait alors basculer l’individu du mauvais côté de cette limite artificielle.

Il me semble pourtant que définir et appréhender la vieillesse et ses vieux à travers l’unique accumulation de pertes et de deuils revient à dessiner le chemin de la vie comme un sentier aride, triste, morne et solitaire. Un sentier qui une fois arrivé à un sommet – l’adulte d’âge moyen au top de sa forme – redescend irrémédiablement vers sa triste fin.

Dans ce contexte, que faire alors du nombre de plus en plus important de personnes âgées qui ne « réussissent » pas leur maintien dans la jeunesse ? Les « placer » en institution ? Les confier à des professionnels qui se doivent de les « prendre en charge » ? Le vocabulaire – plus ou moins consciemment – utilisé souligne à quel point les personnes âgées peuvent être considérées comme des objets, des fardeaux indignes d’intérêt.

Attention cependant à ne pas tomber dans l’illusion inverse. Comme nous le signale Simone de Beauvoir en 1970 : « On voit qu’un préjugé doit être radicalement écarté : c’est l’idée que la vieillesse apporte la sérénité. (…) L’adulte a voulu considérer la fin de la vie comme la résolution de tous les conflits qui la déchirent. C’est par ailleurs une illusion commode : elle permet, en dépit de tous les maux dont on les sait accablés, de penser les vieillards heureux et de les abandonner à leur sort. »

Tout le monde connaît des vieux acariâtres comme des jeunes épuisants, des vieux aimables et patients, d’autres désagréables voire asociaux, des jeunes à l’écoute et soucieux de transmettre, etc. Aucune caractéristique ne se limite à une tranche d’âge en particulier. Cela nous rassure probablement de penser qu’en vieillissant nous allons tous bonifier ! Il semble pourtant que la personnalité reste relativement stable au fil de l’avancée en âge.

Ces stéréotypes influencent même très précocement l’attitude des enfants face aux personnes âgées. Des chercheurs en psychologie ont démontré que des enfants de 3 ans qui devaient apprendre de nouveaux mots de vocabulaire avec une institutrice mettaient davantage en doute les propos de celle qui présentait toutes les caractéristiques d’une personne âgée, d’une « vieille ». Cependant, lorsque les enfants testés sont issus d’un groupe qui côtoie régulièrement des personnes âgées dans leur vie quotidienne, ils ne manifestent pas cette attitude de défiance vis-à-vis de l’institutrice« âgée » et ne sont donc pas influencés par ces stéréotypes âgistes.

Mais il y a plus. Les personnes âgées elles-mêmes intègrent les stéréotypes négatifs en lien avec le vieillissement, avec des conséquences stupéfiantes ! Ainsi, lorsque l’on suggère à des personnes âgées que le vieillissement est spécifiquement lié à un déclin de la mémoire et qu’on leur propose ensuite des tests de mémoire, elles obtiennent des résultats moins bons que leurs capacités réelles. Elles ont donc intégré l’idée que, de toute façon, elles sont moins performantes. Elles se résignent à cette image d’elles-mêmes et finissent par mettre en place moins d’énergie, moins de motivation, moins de stratégies pour faire face aux tests.

Le principe de base de l’étude consistait pour l’enfant à associer le mot produit par l’institutrice à l’objet cible correct parmi deux présentés. Dans le premier cas, l’institutrice prononce un mot connu – « balle » – et l’enfant désigne correctement l’objet qu’il reconnaît. Par défaut, le deuxième mot moins familier – « agrafeuse » – est correctement associé au deuxième objet. Mais lorsque l’institutrice produit un mot qui n’existe pas, comme « damutopi », l’attitude de l’enfant est tout à fait différente selon que l’institutrice est jeune ou âgée. Si l’institutrice est jeune, l’enfant désigne l’objet agrafeuse, qu’il ne connaît pas, face au non-mot. Par contre, si...

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